Compte-rendu du colloque: « L’amiable en pratiques »

Compte-rendu du colloque: « L’amiable en pratiques »

À l’occasion de leur quatrième édition, les Dialogues angevins du droit et de la justice (DADJ) issus du partenariat noué entre la Cour d’appel d’Angers et la Faculté de droit, d’Économie et de Gestion de l’Université d’Angers se sont tenus le jeudi 21 novembre 2024 de 8h30 à 13h00 à la cour d’appel d’Angers.

👉 Le programme est consultable ici ↗️

L’initiateur de l’Observatoire Indépendant du Notariat en France (OINF), Philippe CHABERT, était présent pour bien appréhender les Modes Alternatifs de Règlement des Différends (MARD) et réfléchir à une manière de les intégrer à l’OINF, dont l’un des objectif est l’aide et l’accompagnement des victimes de notaires.

Propos introductifs par Soraya AMRANI MEKKI,

Mme AMRANI MEKKI est agrégée des facultés de droit, professeure à l’École de droit de Sciences Po Paris, ambassadrice de l’amiable.

La médiation implique le plus souvent des personnes qui n’ont pas d’antécédents judiciaires. Concrètement, il s’agit le plus souvent de litiges civil (la racine) qui pourraient dégénérer en délit pénal (la conséquence) s’il n’y avait pas de médiation.

La médiation est encouragée par les pouvoirs publics en raison des restrictions budgétaires de l’État. C’est un moyen de déjudiciariser les conflits et l’objectif principal est de pacifier les relations. Il est important en revanche de ne pas écarter les droits de la victime, en le privant par exemple d’un accès au juge.

Le rôle des avocats est essentiel dans un processus de médiation, à la fois pour défendre au mieux les intérêts du client, mais également pour insérer des clauses amiables ou des clauses MED-ARB qui consistent à prévoir un arbitrage en cas d’échec de la médiation.

Un accord amiable ne serait pas une application stricte du droit. Il est donc alors nécessaire de bien veiller à définir ce qui est le mieux pour la victime entre une médiation et l’accès à un juge. Ce peut être aussi le rôle de l’avocat que d’orienter au mieux la procédure en fonction des intérêts du justiciable. Il est donc important d’être vigilant sur le mode de résolution du litige dès ses premiers fondements, mais il est également tout à fait possible d’intégrer une médiation à tous les stades de la procédure.

L’article 6 du Règlement Intérieur National (RIN) des avocats impose même d’examiner avec le client le recours au mode amiable avant d’agir en justice, au cours de la procédure ou lors de la rédaction d’un acte juridique. En cas de manquement, la responsabilité civile de l’avocat pourrait même être engagée.

Première table ronde: L’amiable sans le juge

À ce stade du colloque, il est important de rappeler que le médiateur, le conciliateur de justice, le négociateur ou l’arbitre (c’est-à-dire le juge) n’ont pas les mêmes fonctions ni les mêmes rôles.

  • Le médiateur est un tiers neutre qui accompagne les parties dans leur recherche d’un accord.
  • Le conciliateur a un rôle plus actif et peut proposer des solutions, mais il n’impose rien.
  • Le négociateur représente les intérêts d’une seule partie.
  • L’arbitre/juge décide de l’issue du conflit en appliquant la loi.

Ainsi, choisir le bon mode de résolution dépend de plusieurs facteurs :

  • La nature du conflit
  • Le degré de confiance entre les parties
  • Le désir de préserver la relation à long terme
  • L’urgence de trouver une solution

Le commissaire de justice exprime l’importance de l’amiable dans son travail étant donné la proximité qu’il a avec les personnes et son expertise sur terrain. La notaire, elle, nous explique que l’amiable est la clé de voûte de son métier. En substance, elle explique qu’elle a besoin de régler les problèmes des clients (qui sont aussi des usagers compte tenu de la mission de service public que détient le notariat) pour pouvoir finaliser les actes et donc percevoir ses émoluments. Elle a donc tout intérêt à ce que les litiges entre ces clients s’arrangent rapidement.

À titre personnel et cela n'engage que moi, je la rejoins fortement sur ce point, d'autant plus que je constate que les notaires sont parfois mis en cause là où ils ne devraient pas l'être. Cette confusion des responsabilités auprès des clients étant par ailleurs justifié du fait des nombreux dossiers dans lesquels les notaires sont réellement responsables. Fin de la parenthèse...
Le Particulier
N°1222 – Nov. 2024

Rémi BERNARD, chargé des affaires publiques et des relations institutionnelles pour le médiateur national de l’énergie, soulève la question de l’indépendance du médiateur qui doit être un garde-fou pour protéger le consommateur. En effet, il faut bien distinguer le « médiateur institutionnel » et le « médiateur d’entreprise ».
👉 La question de l’indépendance ne se pose pas pour le médiateur institutionnel alors que des soupçons persisteront toujours sur le médiateur d’entreprise qui pourrait être accusé de défendre des intérêts particuliers.

Remarque personnelle: nous avons le cas par exemple avec le médiateur du notariat qui est un ancien notaire, nommé par le Conseil Supérieur du Notariat (CSN) et, de fait, rémunéré par le lobby notarial. Dès lors, quelle est l'indépendance d'un médiateur rémunéré indirectement par les membre d'une institution qui sont mis en cause par le plaignant ? Quelle crédibilité peut on accorder au médiateur du notariat ? 
👉 En témoigne cet extrait tiré du magazine "Le Particulier" qui explique que le médiateur [de la banque] "est recruté par la banque et se range souvent du côté de ses employeurs".

Le médiateur doit intervenir rapidement pour éviter que les conflits s’enveniment. Il doit aussi faire face à l’amertume du justiciable et faire preuve de pédagogie pour retranscrire le droit sous une forme accessible pour tous les citoyens. « L’amiable permet de préserver un lien là où le droit divise le lien ». L’amiable doit servir à pacifier les relations y compris lorsque le lien est rompu, d’où la nécessité de l’écoute.

La question des connaissances et des compétences est également soulevée puisqu’il est fait mention d’une « partie forte » et d’une « partie faible » dans toute médiation. Le professionnel mis en cause a des connaissances approfondies contrairement au demandeur (dans une majorité de cas). Le médiateur doit ainsi rétablir l’équilibre entre les parties et ramener de l’équité en droit.

La politique de l’amiable possède aussi et malheureusement des freins, le premier étant avant tout le manque de moyens financiers. Mais il y a aussi l’aspect psychologique puisque souvent dans le cadre de conflit on considère ne pas avoir à payer puisque « la faute vient de l’autre ». « C’est lui qui bloque. Pas moi ». La complexité des démarches ou le manque de volonté de l’une des parties à vouloir participer à une médiation empêche, là encore, toute tentative de résolution amiable du conflit.

La question de la rapidité de la médiation est également primordiale. On estime un litige réglé sous 90 jours même si certaines années et selon les thématiques cela peut aller jusqu’à 140 jours. Plus l’accès à la médiation est long et plus le consommateur se désintéresse. Il est donc nécessaire de traiter les « stocks » le plus rapidement possible. Finalement on retrouve les mêmes problématiques que pour la justice.

Les médiateurs ont besoin de jurisprudences pour les comparer sur le terrain avec le droit souple (appelé aussi le droit « mou »).

Seconde table ronde: L’amiable avec le juge

Le conciliateur de justice est gratuit et rattaché au ministère de la Justice. Il est attaché à un magistrat coordinateur qui est un référent obligatoire pour les litiges de moins de 5000€. En cas d’échec de conciliation, il est fait un constat d’échec qui permet ensuite d’aller en justice dans une procédure conventionnelle.

Concrètement il y a un demandeur qui se considère victime d’une injustice. Il saisit le conciliateur qui se rapproche du défendeur pour recueillir son avis, la finalité d’une telle démarche étant de trouver un accord accepté par l’ensemble des parties. Il ne s’agit pas de s’enrichir mais bien de sortir d’une situation qui pourrait devenir plus conflictuel si elle n’était pas réglée.

Le conciliateur de justice peut se déplacer sur site pour mettre des mots sur le conflit. Il est nécessaire de pouvoir « nommer les choses » et de bien s’entendre sur une même définition du litige. Tout comme le médiateur, le conciliateur ne doit pas « lire la loi » mais « la dire ». Il répond à des litiges souvent qualifiés de « différends de la vie quotidienne ».

Les conciliateurs sont bénévoles et perçoivent une enveloppe d’environ 600€ par an pour l’indemnisation de leurs frais (déplacements, timbres, papier, etc). Ils ne revendiquent pas nécessairement de percevoir un salaire mais regrettent de manquer de moyens (logiciels, process) pour être plus efficaces. Ils interviennent en amont des procédures judiciaires et regrettent de ne pas participer davantage aux audiences en cas d’échec de conciliation.

Cette réalité a pour conséquence des difficultés dans le recrutement de conciliateurs de justice et les nouveaux conciliateurs sont essentiellement recrutés par bouche à oreille. Se pose alors la question du bénévolat ou de la rémunération pour attirer d’avantage.

En ce qui concerne le juge qui peut faire appel à un conciliateur de justice, « il ne s’agit pas de purger les dossiers pour désengorger les tribunaux », mais bien de privilégier les modes amiables qui sont en quelque sorte plus « soft » pour le justiciable. Certaines problématiques ne peuvent pas être résolues par un conciliateur, notamment lorsque des décisions juridiques sont essentielles, ou alors dans le cadre de violences ou de troubles à l’ordre public.

L’amiable tient avant tout de la volonté de la personne, qu’elle soit magistrat, avocat ou justiciable. La principale difficulté recensée par Maître GREFFIER, avocate et médiatrice, est avant tout de pouvoir délivrer l’information sur les Modes Alternatifs de Règlement des Différends.

👉 L’un des domaines du droit qui pose le plus de difficultés étant la médiation civile qui intègre fréquemment des questions de responsabilités professionnelles et d’assurances.

💡 Remarque personnelle et mise en application adaptée au notariat

Les notaires, officiers publics et ministériels, sont particulièrement exposés à des procès en responsabilité, dans la mesure où ils ont une obligation de résultat renforcée en ce qui concerne la validité de leurs actes. Mais en cas de condamnation, c'est leur assurance obligatoire qui prend en charge l'indemnisation due au client.

C'est pourquoi leur police d'assurance leur fait interdiction de reconnaître leur responsabilité et de transiger sans l'accord de leur assureur (Conformément à l'article L 124-2 du Code des ass.).

Il n'est donc pas possible à un notaire de se lancer dans un processus de médiation à l'égard de sa « victime ». Il peut seulement déclarer le sinistre à son assureur, lequel va le régler en vertu de sa clause de « direction de procès ».

Mais il reste tout à fait possible pour un assureur d'utiliser une voie amiable, telle que la médiation, pour transiger avec la victime sur l'indemnisation de son préjudice. De son côté, le notaire peut parfaitement reconnaître un fait, et notamment une erreur commise dans l'exercice de son activité.

Les professionnels dignes de ce nom ont d'ailleurs le souci de préserver leur image en reconnaissant leurs fautes.

Comment faire pour qu’il y ait plus de personnes qui fasse appel aux MARD ? Faut il plus de coercition ? Imposer des sanctions financières en cas de refus ? Ces questions restent ouvertes.

Le mot de la fin pour Sylvette GUILLEMARD,

Mme GUILLEMARD est professeure à l’Université Laval au Québec

L’intervenante a été marquée par le mot « paix » qui est revenu régulièrement durant ce symposium. En effet, on considère que l’amiable souhaite rétablir la paix sociale, « enlever le grain de sable » qui sait glisser dans les rouages d’une relation conflictuelle. Au Canada on parle plutôt de justice. « On veut la justice ».

Elle explique que la Révolution française s’est faite avec des guillotines et des têtes coupées, là où la révolution canadienne a plutôt été « tranquille », la devise étant plutôt « ne pas faire de vagues ».

Dans les médiations canadiennes on ne parle jamais de Droit et dans une médiation conventionnelle n’importe qui peut être médiateur. Sauf dans certains cas spécifiques où il faut faire appel à un médiateur accrédité qui permet de conclure par une entente qui constitue une transaction. Si l’une des parties ne se présente pas à une médiation obligatoire, il y a une sanction pour indemniser l’autre partie. Les médiations sont payantes.

Il existe aussi les Conférences de Règlement Amiables (CRA) qui sont sensiblement similaires aux Audience de Règlement Amiable (ARA) en France. Il s’agit alors de faire appel à un juge en exercice qui pourra à la fois être juge le matin, avec la robe (la toge au Canada) et faire du droit, alors qu’il devra bannir le droit de son vocabulaire l’après-midi lors des audiences de CRA. Les CRA sont gratuits et sur la base du volontariat ou de l’obligation.

De fait, certains justiciables et avocats ont développés une parade : ils déposent au greffe leurs plaintes. Quand le défendeur répond, ils demandent alors une CRA (gratuite), ce qui leur évite de payer des frais de médiation qui aurait été obligatoires dans le cadre d’une procédure judiciaire.

Philippe Chabert pour l’OINF,
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